Depuis deux siècles, la ville d’Aix-en-Provence et son musée possèdent un patrimoine pharaonique exceptionnel. Non par sa quantité, mais par sa qualité grâce à des œuvres de premier plan dignes des plus grands musées égyptiens du monde comme le Louvre ou le British Museum.
Ce niveau d’excellence résulte de la personnalité des grands collectionneurs dont elle est pour une bonne part issue, noblesse de robe d’Ancien Régime comme J. F. P. de Fauris de St. Vincens et J. B. Bourguignon de Fabregoules, et bourgeoisie éclairée avec François Sallier ou le peintre François-Marius Granet.
C’est assurément Sallier qui est le plus célèbre dans le monde de l’égyptologie. Il a reçu Champollion à deux reprises dans son hôtel de la rue Mignet (en 1828 et 1830 avant son départ et après son retour d’Égypte), où le déchiffreur des hiéroglyphes put voir et étudier les célèbres papyrus littéraires connus aujourd’hui sous le nom de papyrus Sallier I à IV, actuellement au British Museum de Londres.
Cette collection remarquable, publiée en 1995 et partiellement montrée au public lors de l’exposition montée à cette occasion, était depuis ce temps retourné en réserve.
De par le contenu de la collection du musée Granet, l’exposition est organisée selon un certain nombre de thèmes déterminés par la composition du fonds aixois, avec le renfort d’objets issus de différents musées français particulièrement le Louvre et de grands musées européens.
Le nombre des emprunts a été limité pour ne pas dissoudre la collection du musée Granet dans une programmation trop générale et ainsi permettre aux visiteurs de mesurer l’ampleur et la qualité du fonds du musée.
Le fonds égyptien du musée Granet, soit 153 objets, sera donc enrichi par l’apport d’une cinquantaine d’objets extérieurs. Dans cet esprit, les partis pris sont de compléter des ensembles archéologiques qui n’avaient jamais encore été physiquement réunis, d’illustrer les objets de la collection par des œuvres parallèles de façon à les rendre plus compréhensibles, et enfin d’élargir certains thèmes par le recours à du matériel archéologique absent à Aix, parfois très spectaculaire.
Le musée du Louvre sera le partenaire principal en la matière.
Néanmoins, il sera fait appel à des emprunts en région pour sensibiliser le public à la présence du patrimoine pharaonique en France là où on ne l’attend pas forcément.
Les trois salles du rez-de-chaussée dévolues à l’exposition, soit 300 m², seront affectées à trois thèmes principaux : les grands collectionneurs aixois (salle 1), Pharaon, Osiris et les dieux (salle 2), et enfin la tombe (salle 3). La scénographie, volontairement dépouillée, jallonnera le parcours de l’exposition selon des couleurs différentes afin de rendre sensible la progression des thèmes traités.
SALLE I : AIX-EN-PROVENCE ET L'ANCIENNE ÉGYPTE
Cette salle présentera ces grandes personnalités de l’Ancien régime et du XIXe siècle à qui nous devons la meilleure part de la collection actuelle du musée.
Les quatre collectionneurs principaux, Fauris de Saint-Vincens, François Sallier, Bourguignon de Fabregoules et François-Marius Granet seront chacun évoqués par un ou plusieurs groupes d’objets leur ayant appartenu.
On y découvrira de la documentation et des objets complémentaires de nature à les faire mieux connaître (tableaux, dessins, documents d’archive…). Les murs seront peints en vert-mat pour rappeler l’intérieur des hôtels aixois aux XVIIIe et XIXe siècles qui renfermaient ces fameux cabinets de curiosités.
La place d’honneur revient à Sallier du fait de son importance dans l’histoire de l’égyptologie et de ses rapports avec Champollion. Il figurera dans cette salle par une statue double du Louvre, une inscription d’Avignon et par des papyrus écrits en démotique (l’une des 3 écritures égyptienne avec les hiéroglyphes et le hiératique).
SALLE II - PHARAON, OSIRIS, ET LES DIEUX D’AIX-EN-PROVENCE
Cette salle évoquera dans une première partie le roi avec les prêtres, scribes et dignitaires qui le servent.
La seconde partie sera consacrée au dieu des morts Osiris et sa famille, divinités particulièrement bien représentés au musée Granet.
On trouvera ensuite les cénotaphes érigés par les grands dignitaires autour du tombeau d’Osiris à Abydos, les autres dieux présentés à Aix, enfin le culte des
animaux.
Cette salle sera peinte dans un ocre-rouge soutenu pour rappeler les sables du désert égyptien.
- PHARAON ET LES GRANDS
L’œuvre majeure de la salle sera le colosse d’un pharaon debout, en granite rose, appartenant au Louvre mais en dépôt jusqu’à présent au musée des Beaux-Arts de Dijon.
Cette figure royale sera complétée par la présentation de la tête d’Apriès d’Aix accompagnée d’une tête du Louvre attribuée au même roi.
Les prêtres et fonctionnaires caractéristiques de la civilisationégyptienne seront disposés à proximité, avec un point fort autour des deux grands reliefs d’Ancien Empire du musée Granet, complétés par une statue du Louvre de même époque. On y trouvera aussi un thème autour de la statuaire des serviteurs du royaume et enfin l’évocation des scribes et de l’écriture hiéroglyphique.
- OSIRIS, ISIS ET HORUS
Le dieu des morts Osiris représente l’un des points forts de la collection du musée Granet, aussi bien en ronde-bosse (sculpture en 3 dimensions), qu’en bas-relief.
La famille osirienne sera donc présentée autour de deux grandes statues du dieu. L’une appartenant à Aix en bronze et l’autre au musée de Leyde (Pays-Bas) en pierre. Les statues en bronze de cette taille sont rares dans l’ensemble de l’histoire égyptienne.
Un buste d’Osiris en pierre du Louvre, le somptueux cintre de stèle d’Aix, la petite ronde-bosse issue du musée Granet, les pièces du Louvre et de Marseille, offriront au visiteur une image détaillée de ce dieu majeur du panthéon égyptien.
Isis, la « grande magicienne », sœur et épouse d’Osiris, ainsi que son fils Horus, se montreront au public à la fois par le cintre de stèle du musée Granet, par de la petite statuaire et par les amulettes protectrices, des stèles comme celle « d’Horus sur les crocodiles ».
- LES CHAPELLES CÉNOTAPHES PRÈS DU TEMPLE D’OSIRIS À ABYDOS
À partir du début du Moyen Empire, vers 2050 av. J.–C., la ville d’Abydos en HauteÉgypte où était censé se trouver le tombeau d’Osiris, mort et ressuscité, devint un centre de pèlerinage considérable. On prit l’habitude d’y ériger de petites chapelles de briques ornées de stèles de pierre pour bénéficier de la protection du dieu.
Des milliers de stèles, trouvées sur le site au XIXe siècle, sont aujourd’hui dispersées dans le monde entier. Le musée Granet possède des éléments de trois de ces chapelles complétées en tout ou partie par une stèle du Louvre et une autre du musée de Turin.
- LES AUTRES DIVINITÉS
Les autres dieux et déesses qui président au panthéon du musée Granet seront présentés ensemble dans une vitrine, avec le renfort de statuettes d’autres musées français.
- FIGURINES ET AMULETTES DE DIVINITÉS ET D’ANIMAUX
Cet ensemble, qui permettra d’exposer la totalité des figurines d’Aix, fera le lien avec le thème du culte des animaux.
- LE CULTE DES ANIMAUX
Les animaux sacrés, et surtout l’incroyable zoolâtrie qui s’est répandue de manière massive dans l’Égypte tardive au cours du premier millénaire av. J.–C., sont l’une des caractéristiques de cette civilisation qui a le plus étonné les Grecs et les Romains ainsi que nos contemporains.
Le musée Granet conserve en ce domaine une pièce unique au monde avec la momie d’un varan du Nil, qui sera présentée isolée pour être mieux observée.
Cette pièce incomparable fait l’objet, dans les salles du premier étage, d’un dispositif didactique donnant à voir des images précises de sa structure interne. D’autres vitrines montreront aux visiteurs momies et sarcophages de poisson, de petit crocodile et même d’un œuf de crocodile, d’un chat et d’un ibis, ainsi que le beau bronze de chatte assise du fonds du musée Granet.
Le parcours se terminera par le cas spécifique du culte au taureau Apis du Sérapéum de Saqqara (nécropole antique dédiée au culte du taureau Apis), avec deux statuettes d’Apis du musée Granet, un groupe en bronze et une stèle du Louvre. Ce thème assurera également le lien avec la troisième salle où seront présentés trois linteaux provenant d’une tombe de particulier construite au Sérapéum.
SALLE 3 - LA MOMIE D’AIX-EN-PROVENCE OU LA VIE APRÈS LA MORT
Cette salle sera consacrée à la tombe. Une première section, délimitée par une cimaise, illustrera la frontière entre le monde des vivants et la tombe proprement dite par le biais de la chapelle, des statues et des stèles que chacun pouvait voir en plein air.
On y présentera également le culte rendu au mort pour sa survie éternelle.
La seconde section - la plus importante - évoquera le caveau totalement inaccessible aux vivants. Elle sera articulée autour de deux ensembles majeurs, le cercueil de Ptahirdis du musée Granet, la momie qu’il contient, et le gigantesque Livre des Morts de la dame Tabaakhet, conservé au musée du Louvre, qui ceinturera sur près de 18 mètres de longueur toute la deuxième partie de la salle.
- LA CHAPELLE DE LA TOMBE ET LE CULTE AU MORT
Trois linteaux de niches provenant de la tombe d’Ounnéfer au Sérapéum de Saqqara évoqueront l’architecture d’une chapelle de tombe. Stèles et statues funéraires seront représentées par deux stèles d’Aix et par l’ensemble d’Aménemhat-Sourer, dont le musée Granet possède un fragment de stèle et le Louvre trois statues fragmentaires. Les rites effectués sur la momie avant inhumation seront représentés par l’outil pesechkaf du musée Granet et par la trousse à instruments correspondante du Louvre.
Enfin, la frontière mythique entre les vivants et les morts, matérialisée par l’oiseau Ba qui s’abreuve, sera figurée par une stèle et deux figurines d’Aix ainsi que par un vase en bronze du Louvre.
- CAVEAU : CERCUEIL ET MOMIFICATION
Toute la partie de la salle consacrée au caveau sera ceinturée par les vingt-deux cartons du Livre des Morts de la dame Tabaakhet de l’époque ptolémaïque (332 av. J.-C. – 30 av. J.-C.), soit une longueur de dix-huit mètres.
Le deuxième temps fort de cette section sera bien entendu le sarcophage d’Aix avec sa momie dont on laissera visibles la tête et les épaules. Son corps restera caché par les bandelettes roulées, dont une partie sera présentée dans une vitrine à côté. Un autre cercueil sera évoqué par un élément de couvercle en-dessous duquel on disposera cinq vases canopes (vase devant recueillir les viscères du défunt), ce qui permettra une mise en situation de ces objets emblématiques des rites d’embaumement.
- LE MATÉRIEL AU CONTACT DE LA MOMIE
Une autre vitrine regroupera le matériel que les Egyptiens plaçaient au contact de la momie : un feuillet du Livre des Morts du Louvre du début du premier millénaire, un chevet d’albâtre et des amulettes d’Aix-en-Provence complétées par des exemplaires d’autres musées.
- LE MATÉRIEL DÉPOSÉ DANS LA TOMBE
Les chaouabtis ou ouchebtis, ces statuettes de serviteurs chargées d’assurer les corvées des champs outre-tombe à la place du mort, formeront deux groupes au sein d’une même vitrine, l’un pour les statuettes du pharaon Séthi Ier dont le musée d’Aix possède trois spécimens de bois, et l’autre pour les vingt-sept chaouabtis et ouchebtis de particuliers conservés au musée d’Aix.
VOIR L’EXPOSITION AUTREMENT
Sur 300 m2 , l’exposition se poursuit différemment au 1er étage et ouvre le champs des possibles avec des propositions multimédias immersives et pédagogiques. Le public familial et les amateurs sont invités à parcourir trois sections.
À la sortie de la tombe présentant les sarcophages et dans la continuité de la thématique de la vie après la mort, une vidéo et des textes présenteront la conception que l’Égypte ancienne se faisait de la mort et expliquera le contenu d’un livre des morts.
En écho à la statue du scribe présentée dans la salle de l’exposition autour de Pharaon, la thématique de l’écriture, des hiéroglyphes et de leur déchiffrement sera abordée à partir d’un fac-similé original du XIXe siècle d’un papyrus autrefois dans la collection Sallier, aujourd’hui conservé au British Museum de Londres. Des points techniques sur l’écriture et des explications sur le contenu du texte du papyrus ponctueront de commentaires les feuillets mis en place sur les murs.
Une troisième section rassemblera un ensemble d’outils vidéo et multimédia qui permettront d’entrée dans la matérialité des objets. La restauration de pièces exceptionnelles (l’Osiris en bronze du musée Granet) et une imagerie numérique complète de la très rare momie de varan pourront être exploitées librement à partir d’outils vidéos ou intéractifs.
Un dispositif tactile à destination des publics malvoyants représentant deux pièces exposées (Stèle et Taureau Apis) seront également présentés dans cette section.
Un espace dédié aux enfants, des projections de films ainsi que des consoles de la version pédagogique du jeu Assassin’s Creed édité par Ubisoft (très librement inspiré de l’égypte ancienne et plus particulièrement des époques tardives, contemporaines de Cléopâtre) clôtureront le parcours, comme une extension ludique.
L’exposition ainsi conçue en deux volets entend toucher un public large et diversifié, familial ou individuel, amateur de civilisation égyptienne et de multimédia.