Le Musée national d'art moderne fut cependant le premier en 1961 à acquérir un portrait de La Journaliste Sylvia von Harden (1926), et en 1999 l'étonnant Erinnerung an die Spiegelsäle in Brussel (1920) entrait dans les collections du Centre Pompidou.
De 1929 à 1933 à Dresde, il entreprend un imposant triptyque «Der Krieg» pour lequel il réalise un carton, sorte de «prêt-à-tirer» gigantesque. Dans ce travail d'esquisse, le geste du dessinateur est plus grand, plus incontrôlé et plus risqué, que dans la version peinte. Avec cette dernière version de «la Guerre» sa carrière bascule. A peine achevée, cette dénonciation d'un carnage inutile est dissimulée pour éviter les représailles de ceux qui voient dans ces panneaux une atteinte à l'honneur du peuple et de l'armée allemands.
Il a subi les expressionnistes, mais la Brücke n'existe plus, elle ne survit pas aux coups que lui porte le November Gruppe. Le Blaue Reiter de Munich, il ne connaît pas. Les artistes qui posent devant lui sont tous des petits maîtres, Jankel Adler, Adalbert Trillhaase, Adolf Uzarski, Hans Theo Richter, Franz Radziwill. Certains même ne seraient plus dans les mémoires s'il n'y avait leur portrait. Il est difficile d'évaluer ce que Dix sait de l'actualité artistique. De Paris, lieu de l'art international, il retient l'ingénuité du Douanier Rousseau, popularisé par le livre. Mais il stigmatise le cubisme : son portrait du marchand Alfred Flechtheim n'est qu'une charge contre l'hégémonie commerciale des valeurs étrangères, Braque, Picasso, Gris. D'ailleurs Flechtheim n'est pas son représentant ; s'il intervient à Paris en faveur de Grosz, Hofer ou Beckmann, il n'y risque pas le nom de Dix. À Dresde, Dix se lie avec Frederick Bienert, mais connaît-il pour autant la collection d'art moderne de la mère de son ami, Ida Bienert, laquelle, sur ses murs, confronte l'avant-garde parisienne avec Klee et Kandinsky, professeurs de peinture au Bauhaus voisin. En raison du simple barrage de la langue, il ignore le surréalisme ; Max Ernst n'existe plus à Cologne. Dix, par ailleurs, reste réfractaire à ce qui apparaît comme une imposture sans avenir, l'art non figuratif. Et l'hégémonie étouffante de l'abstraction après la Seconde Guerre mondiale retarde de vingt ans la réhabilitation d'Otto Dix.