Noir et Blanc : une esthétique de la photographie
Collection de la Bibliothèque nationale de France
Article mis à jour le 03/07/20 17:29
Grand Palais, Paris
Exposition du 12 novembre 2020 au 4 janvier 2021
"Le monde en noir et blanc recèle quelque chose de mystérieux qui ne peut être décrit et qui est formidablement séduisant. Est-ce faux de penser que cela touche nos cœurs d'autant plus fort que nous vivons à une époque où tout peut être photographié en couleurs ?" Shoji Hueda.
L'exposition "Noir et Blanc : une esthétique de la photographie" au Grand Palais de Paris rassemble des chefs-d'œuvre noir et blanc des collections photographiques de la Bibliothèque nationale de France, exceptionnellement sortis des réserves pour l'occasion. Nadar, Man Ray, Ansel Adams, Willy Ronis, Robert Doisneau, Helmut Newton, Diane Arbus, Mario Giacomelli, Robert Franck, William Klein, Daido Moriyama, Valérie Belin… Les grands noms de la photographie française et internationale sont réunis dans un parcours qui embrasse 150 ans d'histoire de la photographie noir et blanc, depuis ses origines au XIXe siècle jusqu'à la création contemporaine.
Dans la continuité des grandes expositions de photographie organisées depuis 2012 dans la Galerie Sud-Est du Grand Palais, l'exposition Noir et Blanc présente environ 300 tirages représentatifs de la collection exceptionnelle du département des Estampes et de la photographie de la BnF.
Gustave Le Gray, Grande vague - Cette [Sète], 1857, tirage sur papier albuminé viré à l’or d’après 2 négatifs sur verre au collodion, 35,7 x 41,9 cm, Bibliothèque nationale de France, photo © BnF - Département des Estampes et de la photographie
Cette présentation se concentre sur le XXe siècle et la période contemporaine sans omettre un préambule de quelques photographies du XIXe siècle : ainsi le thème est traité sur plus de 150 ans à travers l'œuvre d'environ 200 auteurs de près de 30 nationalités.
"On croirait volontiers qu’avant l’invention de la photographie en couleurs par les frères Lumière en 1903, toute la photographie était en noir et blanc. La réalité est plus complexe et plus intéressante : les premiers temps de la photographie depuis son invention en 1839 furent davantage ceux d’une gamme variée de valeurs où les noir et blanc purs sont l’exception et où les teintes tirant vers le brun-jaune, dites sépia, les plus fréquentes."Sylvie Aubenas. Aux origines du noir et blanc. Extrait du catalogue de l'exposition Noir et Blanc : une esthétique de la photographie au Grand Palais, Paris.
Le noir et blanc fait partie intégrante de l'histoire de la photographie : ses évolutions, de la fin du XIXe à aujourd'hui, ont permis de produire des nuances de plus en plus contrastées et sophistiquées, révélant la force plastique de cette technique. Alors que le recours à la couleur s'intensifie au cours des années 1970, le noir et blanc se maintient et s'emploie comme un moyen d'expression esthétique affirmé mettant l'accent sur le graphisme et la matière.
Il domine la production en nombre et en hiérarchie de valeur : à l'instar de Walker Evans (1903-1975), de nombreux photographes considèrent alors la photographie en couleur comme un procédé « vulgaire », à réserver pour des sujets banals et des usages utilitaires. Au-delà d'une justification économique et technique, la persistance de l'usage du noir et blanc s'explique par le fait qu'il a fini par incarner, dans le sens commun, l'essence même de la photographie et, partant, la « belle photographie ».
Il apparaît comme porteur d'une dimension universelle, intemporelle voire mémorielle, là où la couleur serait la traduction du seul monde contemporain. La Bibliothèque nationale de France s'est toujours voulue un conservatoire privilégié de la photographie en noir et blanc de même qu'elle a encouragé la persistance de sa pratique et aujourd'hui de sa réappropriation par de jeunes auteurs en réaction contre le tout numérique couleur.
"La force des noirs et des blancs et les variations de couleurs infuent énormément sur notre perception de l’image : plus elle est contrastée et plus elle est lisible pour notre œil saturé de noirs et blancs absolus, plus elle est nuancée et plus la distance du temps se fait aujourd’hui sensible."Sylvie Aubenas. Aux origines du noir et blanc. Extrait du catalogue de l'exposition Noir et Blanc : une esthétique de la photographie au Grand Palais, Paris.
L'exposition "Noir et Blanc : une esthétique de la photographie" au Grand Palais aborde la question sous un angle esthétique, formel et sensible en insistant sur les modes de création de l'image propres à ces contrastes extrêmes : effets plastiques et graphiques de contrastes, jeux d'ombres et de lumières, rendu des matières dans toute la palette des valeurs du noir et blanc en passant par les gammes de gris.
Le choix a mis l'accent sur les photographes qui ont concentré et systématisé leur création artistique en noir et blanc, en ont expérimenté les possibilités et les limites, en ont fait parfois le sujet même de leur photographie : Man Ray, Ansel Adams, Ralph Gibson, Mario Giacomelli, Valérie Belin par exemple.
Une attention particulière a été portée à la qualité des tirages et à la variété des techniques et des papiers photographiques (tirages pigmentaires, gommes bichromatées, gélatino-argentiques barytés...) et une place faite au thème de l'impression du noir et blanc, le livre et les revues ayant été longtemps le principal véhicule de la création photographique.
"En réduisant le prisme visuel à un antagonisme chromatique, les photographes monochromistes font apparaître avec netteté les contours et les formes de leurs sujets, composant des images résolument épurées au graphisme percutant. Placés sur un fond contrasté, objets, silhouettes et éléments naturels surgissent et s’imposent au regard : noirs sur blanc, blancs sur noir." Dominique Versavel. Objectif : contraste. Extrait du catalogue de l'exposition Noir et Blanc : une esthétique de la photographie au Grand Palais, Paris.
Les collections photographiques du département des Estampes et de la photographie de la BnF, qui compte aujourd'hui quelque 5 millions de tirages, sont particulièrement représentatives de cette histoire de la photographie noir et blanc.
La collection de photographies de la BnF, l'une des plus riches au monde, conserve aujourd'hui des centaines de milliers d'épreuves, d'albums et de portfolios de près de 2000 photographes du XIXe siècle et plus de 5000 photographes des XXe et XXIe siècles, toutes tendances et nationalités représentées.
"De manière générale, la riche palette de rendus chromatiques des noirs, gris et blancs photographiques forme un nuancier de valeurs propre à traduire les aspérités et les états de la matière, qu’elle soit minérale, végétale, synthétique, organique. En rendant compte des moindres gradations de la lumière sur les surfaces photographiées, la variabilité des tons excelle à interpréter la texture et la densité des matériaux. " Dominique Versavel. Nuancier de matières. Extrait du catalogue de l'exposition Noir et Blanc : une esthétique de la photographie au Grand Palais, Paris.
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