Les Bassins de Lumières présentent "Gustav Klimt, d'or et de couleurs", une exposition immersive à voir à Bordeaux jusqu'au 3 janvier 2021.
La Vienne néoclassique
La première séquence de l’exposition immersive Gustav Klimt, d'or et de couleurs conduit le visiteur à Vienne, au Kunsthistoriches Museum, dont l’architecture et les décors se dessinent progressivement. L’architecture se dessine peu à peu et laisse place aux peintures de style néoclassique, réalisées par le peintre officiel de la maison impériale Hans Makart (1840-1884) et par le jeune Gustav Klimt. Éléments décoratifs inscrits dans l’architecture du palais, leurs fresques apparaissent comme si elles délaissaient momentanément le grand escalier d’honneur qu’elles surplombent depuis l’ouverture du musée en 1891.
Le dialogue entre peinture et architecture se poursuit ensuite sous les lustres du Burgtheater, Théâtre National de Vienne datant également de la fin du XIXe siècle. Le plafond s’illumine pour permettre d’apprécier le travail pictural de Franz Matsch et de Gustav Klimt, la projection monumentale offrant l’occasion unique d’admirer de près les fresques qui explorent des thèmes mythologiques. Prédécesseur et contemporain de Klimt, Makart est considéré comme une figure majeure de la peinture autrichienne académique dans cette Vienne « fin de siècle». Sa peinture foisonnante et lyrique démontre une inspiration classique, avec un intérêt particulier pour le Settecento vénitien.
Les façades des immeubles de Vienne se parent de formes organiques, de compositions florales et de motifs végétaux stylisés où le vert et l’or prédominent. L’emblématique Palais de la Sécession, sur le frontispice duquel est inscrit la devise « À chaque siècle son art, à l’art sa liberté », s’affirme comme le lieu d’exposition de ce courant viennois et illustre cette quête d’«art total ».
Cette recherche esthétique se décline aussi dans le graphisme des affiches et de la revue mensuelle éditée par les artistes sécessionnistes Ver Sacrum. Le langage graphique qui s’affiche aujourd’hui sur les murs des Bassins confirme une préférence pour des lignes courbes, des formes illustrées et des caractères gothiques stylisés.
Changement de style, changement de décor. En 1897, Gustav Klimt est l’un des fondateurs de la Sécession viennoise qui souhaite s’affranchir des contraintes du conservatisme social, politique et esthétique, donner à l’art une plus large vocation que la peinture pure et l’étendre à tous les arts décoratifs. L’architecture est le premier terrain d’expression de la Sécession viennoise. Otto Wagner dessine les pavillons de la ligne de métro, et notamment la mythique station Karlsplatz ainsi que l’église San-Léopold am Steinhof aux splendides décorations dorées.
Imprégnée de symbolisme, La fresque Beethoven réalisée par Klimt pour l’inauguration du Palais de la Sécession se révèle peu à peu sur les murs gigantesques des Bassins sur la 9ème symphonie de Beethoven.
La juxtaposition de formes géométriques stylisées compartimente l’espace, comme un hommage manifeste aux mosaïques byzantines qui, à Ravenne, avaient tellement impressionné Klimt. Fils d’artisan doreur, Klimt intègre de fines couches d’or pour sublimer ses personnages, et en rehausser la magique préciosité. Il parvient ainsi à donner une dimension intemporelle à ses œuvres, que l’absence de perspective et la suppression des ombres rapprochent des icônes religieuses. L’arbre de vie, dans un jeu d’entrelacs de volutes dorées, se déploie sur les murs et se mire dans les eaux des Bassins de Lumières. C’est au cours de cette « période dorée » que Klimt réalisera ses chefs-d’œuvre les plus célèbres : Le Baiser, Danaë, le Portrait d’Adèle Bloch-Bauer I…
Gustav Klimt et la nature
Pendant ses nombreux séjours estivaux au bord du lac d’Attersee en Autriche, Klimt peint la nature sur le motif. Jardins, vergers et prairies, sans trame narrative ou figure humaine, le peintre nous immerge dans une végétation qui invite à la contemplation, et les bords du lac semblent admirer leur propre reflet sur la surface étale. Les innombrables fleurs offrent une riche palette de couleurs, dans un clin d’œil au pointillisme.
L’exposition immersive Gustav Klimt, d'or et de couleurs plonge alors le visiteur d’un sous-bois à une forêt de troncs alignés dressés tels les colonnes d’un temple végétal. À l’orée du bois, se devine un village.
Cette séquence introduit des œuvres du dessinateur et peintre autrichien Egon Schiele (1890-1918). Presque trente ans séparent Schiele de Klimt, cependant les deux artistes se rapprochent, tous les deux animés d’un esprit rebelle contre le conservatisme ambiant. Maître incontesté, Klimt influencera Schiele qui explorera par la suite d’autres possibilités artistiques et développera un style très personnel.
L’exposition numérique révèle d’abord ses villages, construits à la manière de patchworks, dans des compositions de plans successifs. S’ils n’ont rien de réaliste, ces paysages laissent percevoir le paysage mental de Schiele à travers des couleurs mélancoliques et des lignes tourmentées.
Puis apparaissent ses portraits et ses nus aux positions torturées et aux corps déformés. Marionnettes dégingandées, les personnages se mettent à danser sur les surfaces des Bassins, tels Eros et Thanatos. Tandis que ces corps tordus s’allongent sur la pierre, l’érotisme flirte avec la mort. Par leur regard pénétrant, ces portraits et autoportraits invitent le visiteur à entrer dans la danse.
Gustav Klimt et les femmes
Les silhouettes peintes par Egon Schiele laissent place aux femmes de Klimt. L’or est supplanté par la couleur qui auréole la femme et la place en majesté. Jeunes filles, femmes enceintes ou femmes âgées, cette galerie de portraits représente la féminité dans différents états. De la finesse de leurs traits se dégage une puissance expressive. Hiératiques ou abandonnées, ces femmes fascinent et trahissent la tendresse du regard que le peintre pose sur elles.
S’ensuivent des tableaux plus existentiels sur les différentes phases de la vie – naissance, jeunesse, vieillesse et mort…
De ces œuvres émergent les motifs ornementaux, qui peu à peu se meuvent et s’assemblent, constituant une gigantesque fresque de couleurs et de matières.