Chine - Afrique
Article publié le 16/01/20 12:19
Centre Pompidou, Paris
Exposition du 4 mars 2020 au 25 mai 2020
Le Centre Pompidou présente une exposition intitulée "Chine - Afrique" à voir à Paris à partir du 4 mars 2020.
Cette présentation réunit les oeuvres des artistes suivants : Kiluanji Kia Henda (né en 1979 en Angola, vit et travaille à Lisbonne et Luanda) - Musquiqui Chihying (né en 1985 à Taipei, vit et travaille à Berlin et Taipei) - Binelde Hyrcan (né en 1983 a` Luanda, vit et travaille à Nice et Paris) - Cui Jie (née en 1983 à Shanghai, vit et travaille à ) - François-Xavier Gbré (né en 1978 à Lille, vit et travaille à Abidjan) - Annie Anawana Haloba (née en 1978 à Livingstone, vit et travaille à Amsterdam) - Wang Bing (né en 1967, à Xi'an, Province de Shaanxi, Chine, vit et travaille en Chine et en France) - Marie Voignier (née en 1974 à Ris-Orangis, France, vit et travaille à Paris) - Yonamine (né en 1975 en Angola, travaille entre Harare, Luanda, Lisbonne et Berlin) - Pratchaya Phinthong (né en 1974, vit et travaille à Bangkok).
Trente ans après "Les Magiciens de la Terre", quinze ans après "Africa Remix", cinq ans après "Modernités plurielles de 1905 à 1970", dans la continuité des expositions consacrées à Wifredo Lam, Latiff Mohidin ou dernièrement Ernest Mancoba, le Centre Pompidou de Paris poursuit l'exploration de l'histoire des arts non occidentaux en mettant l'accent sur les relations entre la Chine et l'Afrique. Faut-il voir dans le lien sino africain une forme totale d'affranchissement colonial ou l'apparition d'un nouveau rapport de domination ? L'exposition "Chine - Afrique" confronte les espaces réels et imaginaires issus de ce dialogue, qui se construisent d'abord au cœur de l'idéologie marxiste et à l'aune de l'histoire coloniale puis décoloniale. En creux, c'est l'histoire occidentale qui est questionnée.
Au tournant du 20e siècle, le penseur américain du panafricanisme, W.E.B DuBois, défend l'idée selon laquelle le monde asiatique peut tracer la route d'une émancipation raciale mondiale. Le siècle dernier est traversé par l'établissement progressif d'un lien, voire dans certains cas, d'une communauté d'intérêt idéologique, politique, économique entre l'Afrique et la Chine. De cette rencontre naissent des systèmes de représentation qui s'affranchissent du cadre colonial, affirmant la nécessité d'un décentrement commun. L'exposition "Chine - Afrique" au Centre Pompidou se penche non seulement sur les changements économiques (à partir des travaux de Pratchaya Phinthong, François-Xavier Gbré et Yonamine) mais aussi sociaux engendrés par cette relation (Marie Voignier, Wang Bing, Anawana Haloba) et sur le surcroît d'imaginaire critique qui s'en libère (Kiluanji Kia Henda, Musquiqui Chihying, Binelde Hyrcan).
François-Xavier Gbré et Kiluanji Kia Henda enracinent l'hypothèse sino-africaine dans une histoire marxiste et coloniale. Chez Gbré, le récit éclaté de la piscine de Bamako, construite en 1969 par l'URSS pour les premiers jeux africains qui n'ont jamais vu le jour, et rénovée par les Chinois, devient celui d'un transfert d'influence géopolitique. Dans l'installation filmique de Henda, une antilope empaillée du musée d'histoire naturelle de Luanda, symbole de l'identité nationale angolaise, raconte sa condition d'objet symbolique, comme artefact ethnographique traversé dans un même temps par la mémoire bouleversée de la guerre civile comme par la présence chinoise au présent.
L'exposition "Chine - Afrique" médite çà et là sur la manière dont la coopération économique investit les sphères culturelles et influence la notion d'identité nationale. Chihying part de l'histoire longue du lien sino-africain – la découverte archéologique de monnaies chinoises au Kenya – pour mettre en scène une excavation anticipée des institutions culturelles que les Chinois construisent en Afrique. Dans un dispositif conceptuel et critique, Yonamine et Pratchaya Phinthong abordent la présence chinoise comme une transaction économique et symbolique réinvestie en espace relationnel de questionnement et d'apaisement.
À cette constitution possible d'une mémoire collective, s'ajoute une série de récits intimes dans les films de Marie Voignier et de Wang Bing, observant respectivement les trajectoires d'une communauté de commerçantes camerounaises et d'un migrant nigérian à Guangzhou. Ce resserrement infuse aussi l'installation d'Anawana Haloba, restitution poétique de la construction en Zambie d'une ligne de chemin de fer par les Chinois, sous la forme d'une chorégraphie filmique, littéraire, gestuelle et sonore.
L'enchâssement des horizons critiques passés et présents n'a d'équivalent que la surenchère de spéculation pour l'avenir. Les artistes libèrent des potentialités mais aussi des échecs ou des alternatives à la coopération économique, tout en faisant de ce lien le prétexte à un commentaire sur la vie politique qui les entoure : Jie médite sur l'implantation à venir de la société Huawei en Afrique, Chihying propose une monnaie sonore qui puisse être une alternative à la politique monétaire du franc CFA tandis que Hyrcan s'inspire de l'envol légendaire du dignitaire chinois Wan Hu pour faire écho à l'échec de la politique spatiale angolaise.
Les artistes invités par le Centre Pompidou ne sont pas qu'africains ou asiatiques et collaborent régulièrement avec l'institution. Certains sont déjà présents dans les collections du Musée national d'art moderne. Leurs œuvres illustrent les thématiques abordées dans "Chine - Afrique", liées à l'héritage du colonialisme reconfiguré par de nouvelles alliances politiques et économiques post ou néo-coloniales, et viennent alimenter l'exposition, d'abord pensée comme un espace de questionnement.