"Il nous a semblé important de revenir 80 ans après les événements sur un moment capital de l'histoire de France. C'est un moment où huit millions de personnes se sont retrouvés sur les routes pendant six semaines. Deux millions de Parisiens ont quitté Paris face à l'arrivée des Allemands. Et il nous a semblé important de revenir sur ces événements pour en expliquer la genèse et expliquer ce qui s'est passé parce que ce sont des événements qui sont lourds de sens et lourds de conséquences sociales et politiques. On a voulu présenter l'expérience de l'exode à travers les yeux des Parisiens pour expliquer un petit peu pourquoi il y a eu ce mouvement de masse, pourquoi les gens sont partis de chez eux d'un seul coup, dans la panique." Sylvie Zaidman, commissaire de l'exposition 1940, Les Parisiens dans l'exode au Musée de la Libération de Paris.
Initialement prévue du 27 février 2020 au 30 août 2020, l'exposition 1940 : Les parisiens dans l’exode, qui a été interrompue par la crise sanitaire du coronavirus, est prolongée jusqu'au 13 décembre 2020.
Le musée de la Libération de Paris présente l'exposition 1940 : Les parisiens dans l’exode. En effet, il y a 80 ans, 8 millions de Français, Hollandais, Belges, ont fui l’avancée allemande. Les trois quart des habitants de la capitale sont partis sur les routes. Grâce aux documents d’époque, aux archives filmées et photographiques, l’exposition 1940 : Les parisiens dans l’exode retrace un moment tragique de l’histoire de France, une expérience traumatisante dont les familles conservent encore la mémoire.
Le 3 septembre 1939, en réponse à l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes, le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre au Reich. Pendant les premiers mois, comme le montrent les films d’archives, c’est l’attente : il n’y a pas d’opération d’envergure durant cette « drôle de guerre ». L’offensive allemande est lancée le 10 mai 1940. Les civils fuient les bombardements et les combats.
Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg sont les premiers concernés par l’exode.
Malgré les contre-offensives alliées, les armées du Reich avancent le long de la Somme vers la mer, puis envahissent la France. Le 3 juin 1940, la capitale subit son premier bombardement. Une semaine plus tard, le gouvernement quitte Paris, laissant la population incertaine sur son sort.
"Les départs ont été vraiment déclenchés à partir du 3 juin avec le bombardement de Paris. C'est le moment où les Parisiens ont vraiment pris conscience que la guerre arrivait chez eux, et ce bombardement a déclenché une première vague de départs et au fur et à mesure du mois de juin, les gens ont continué à partir tant qu'ils pouvaient. Et c'est le départ du gouvernement le 10 juin qui a vraiment déclenché un mouvement de masse. Il y a énormément de familles qui se sont trouvées séparées. Les parents donnaient éventuellement leur enfant à quelqu'un qui pouvait les prendre en camion ou en voiture. Ils imaginaient qu'ils allaient les retrouver très facilement plus loin sur la route. Ils ne comprenaient pas qu'ils n'allaient pas forcément finir au même endroit, donc il y avait énormément d'enfants qui ont été perdus et après l'exode, ça a pris un certain temps pour retrouver, réunir toutes les familles." Sylvie Zaidman, commissaire de l'exposition 1940, Les Parisiens dans l'exode au Musée de la Libération de Paris.
Entre le 3 et le 14 juin, la panique gagne rapidement les Parisiens dont les trois quarts décident de s’éloigner au plus vite. Les photographies et les témoignages montrent les routes encombrées de voitures, de vélos, de brouettes où sont entassées quelques affaires rassemblées à la hâte. La panique se répand dans la population, depuis les notables jusqu’aux commerçants, laissant une ville presque désertée. La fuite est chaotique, on cherche à rejoindre les familles en province, une maison de campagne, ou tout simplement à mettre le plus de distance possible avec les Allemands. En chemin, les habitants des villes traversées par le flux des réfugiés ne peuvent faire face au nombre. A Chartres, Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir resté à son poste, cherche par tous les moyens à nourrir les cohortes provenant de la région parisienne.
Le 14 juin 1940, les Allemands entrent dans Paris. Le 17, le nouveau chef du gouvernement, le maréchal Pétain, annonce qu’il va demander l’armistice. Cette déclaration laisse entrevoir la fin de la guerre et rassure de nombreux Français. Cependant en quelques semaines, les structures politiques et sociales de la France ont volé en éclat.
Au fil du parcours les principales origines de ce mouvement de panique inédit sont expliquées. Les imaginaires des Parisiens, comme ceux de tous les Français, ont été nourris par les descriptions des violences à l’encontre des civils lors des précédentes guerres. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont préparé une guerre défensive, sans prendre en compte l’éventualité d’une invasion ennemie sur le territoire français jusqu’à la capitale.
L’accent est mis ici sur une expérience collective faite de millions d’histoires individuelles, mêlant les Parisiens aux autres Français, aux Belges ou aux Luxembourgeois. En s’appuyant sur des films d’époque, des témoignages, des dessins - d’enfants notamment - et des archives, les commissaires ont choisi de plonger le visiteur dans cette période singulière de l’histoire. Il découvre peu à peu le sentiment d’urgence qui saisit les Parisiens et leur départ en catastrophe pour se retrouver dans la masse de réfugiés qui déferlent sur les routes.
L’exposition 1940 : Les parisiens dans l’exode apporte un éclairage sur le sort des réfugiés et la fragilité des institutions.
"En déambulant dans l'exposition, vous allez trouver des affiches, des documents d'archives, beaucoup de photographies, qui vont vous indiquer l'atmosphère de l'époque et qui vont vous rendre la tragédie que ça a été pour la plupart des gens, ce départ inopiné. Et puis nous avons recueilli des témoignages, que nous avons retranscrits et vous verrez des films d'époques aussi, qui sont vraiment très intéressants. La lettre de Jean Moulin me semble importante parce qu'à la fois elle donne le ton de l'événement, la gravité, la tragédie et en même temps elle émane d'un préfet, c'est-à-dire de quelqu'un qui représente l'État et qui se trouve dans une position très spéciale avec l'accueil de ces réfugiés qui arrivent de partout et les Allemands qui arrivent sur Chartres. Je voudrais vous parler aussi des dessins d'enfants, que vous allez voir au fil du parcours qui ont été faits par des jeunes filles de 14 ans, un petit peu après les événements, et qui vont ponctuer, en fait, la visite et la déambulation et donner le ressenti profond de ces jeunes filles par rapport à ce qu'elles ont vécu." Sylvie Zaidman, commissaire de l'exposition 1940, Les Parisiens dans l'exode au Musée de la Libération de Paris.