"La sculpture est un combat, une lutte contre la matière. Il faut jouer des poings." Eugène Dodeigne, 1988
Le sculpteur français Eugène Dodeigne naît le 27 juillet 1923 à Rouvreux, près de Liège en Belgique. Il décède le 24 décembre 2015 à Linselles.
Dès l’âge de 13 ans, Eugène Dodeigne apprend le métier dans l’atelier de son père, tailleur de pierre. Après des cours de dessins et de modelage à Tourcoing et à l’École des Beaux-Arts de Paris, il poursuit son apprentissage dans l’atelier de Marcel Gimond.
En 1950, Dodeigne s'installe à Bondues. Sa première exposition personnelle, galerie Marcel Evrard à Lille, se déroule en 1953.
Sculpteur sur bois jusqu’en 1955, il utilise les noeuds et accidents naturels respectant ainsi l’identité du matériau. A partir de 1955, il commence à travailler la pierre qui deviendra le matériau essentiel de son oeuvre. Il emploie successivement le granit de Soignies de couleur gris bleu, la pierre de Massangis de teinte beige plus ou moins jaune, le marbre de Carrare et même la lave, dont il achète à Volvic quelques blocs dans les années 60.
Sculpture "Confidence" (1986-Nordhorn/Allemagne) par Eugène Dodeigne. Photo Gerardus
Ses célèbres sculptures robustes articulent de larges pans lisses, rugueux ou striés et des facettes violemment éclatées, qui laissent visible son travail de débitage en taille directe. Dodeigne passe alternativement d’une figuration allusive de corps humains déchiquetés, assemblés en groupes puissants qui l’apparentent à Auguste Rodin, à des oeuvres monumentales d’une stricte abstraction.
Sculpture "Homme et femme" (1963) (KMM/Pays Bas) par Eugène Dodeigne. Photo Gerardus
Au-delà de cette recherche de monumentalité et de corps à corps avec la matière, Eugène Dodeigne est un artiste complet qui tire parti de toutes les techniques pour renforcer le sens de ses sculptures et l’émotion qui s’en dégage.
Eugène Dodeigne livre également une oeuvre graphique importante qui affirme la vision émouvante et inquiète qu’il porte sur la condition de l’Homme.
La terre est la matière privilégiée du premier jet, de l’ébauche. Dodeigne a travaillé la terre depuis sa formation à l’École des Beaux-Arts de Tourcoing puis à celle de Paris, où elle était la matière du rendu des concours et des exercices. Tout au long de sa carrière, l’artiste n’a cessé de réaliser des petites ébauches pour ses groupes sculptés. Des terres cuites de taille moyenne donnent lieu, dans les années 1990 à des éditions en bronze : la série des Torses.
Les bronzes
Des bronzes ont été coulés d’après des bois de Dodeigne dans les années 1950. En 1963, l’artiste décide de s’exprimer directement par le bronze ; son ami Roel d’Haese l’y encourage. Il s’équipe alors du matériel nécessaire, dont un four de 500 kg, et fait appel, au moment des coulées, à des fondeurs. L’artiste cherche souvent à donner un aspect brut à ses bronzes en pratiquant le moins de ciselures possible, le strict nécessaire en fait pour effacer les traces laissées par le moule lors de la fonte. Ce choix technique et expressif contribue à donner une grande force plastique à ses bronzes.
Les dessins
Eugène Dodeigne appartient à cette famille de sculpteurs qui dessinent sans cesse. C’est d’ailleurs son goût et son aptitude pour le dessin qui lui ont permis d’être reçu premier au concours d’admission à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1943. Entre 1956 et 1957, il enseigne même les techniques graphiques à Roubaix et à Saint-Luc à Tournai. Ses dessins, souvent de grand format, incarnent une franche sensualité où l’artiste, comme il le revendique lui-même, puise la « graine » de ses sculptures. Privilégiant la figure humaine, il emploie volontiers le fusain et la craie, parfois de couleur, lorsqu’il utilise du papier noir comme support. Il a recours quelquefois à l’estompe pour créer des modelés et à de vigoureux coups de gomme pour retranscrire la lumière. Ces blancs soulignent de façon dynamique la ligne des figures, provoquant un effet comparable à celui des lignes de débitage dans ses groupes en pierre de Soignies. Le dessin de Dodeigne est puissant, synthétique et déploie avec élan et énergie des formes libérées qui se caractérisent par la torsion des corps, la violence et la grâce.