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Carmen Mariscal. Chez Nous

Article mis à jour le 03/07/20 18:01

Place du Palais Royal, Paris

Installation du 12 mars 2020 au 2 juin 2020

"Les thèmes du confinement et des habitations ont toujours été essentiels dans mon travail, depuis le tout premier logement qui est notre corps et le tout premier confinement qui se vit dans le ventre de notre mère.
Quand j'avais 22 ans, j'ai eu un grave accident de voiture qui m'a laissée alitée pendant près d'un an. L’expérience d'être piégée dans mon propre corps m'a fait penser à l'isolement physique, mais aussi mental, que les êtres humains peuvent vivre dans de nombreuses situations." Carmen Mariscal



L'artiste franco-mexicaine Carmen Mariscal présente sur la Place du Palais Royal (Paris 1er) une installation monumentale intitulée Chez Nous. Réalisée à partir des grilles et des cadenas retirés du pont des Arts et du pont de l’Archevêché, l’artiste y explore la symbolique de la maison en tant qu’espace psychique et questionne le sens des relations amoureuses.

cadenas d'amour paris
© Carmen Mariscal


L’amour, lien ou chaîne ? La maison, refuge ou prison ? Le cadenas, symbole d’attachement ou d’emprisonnement ? En installant dans l’espace public sa maison/cadenas, Carmen Mariscal souhaite provoquer des interrogations autour de ces contradictions qui se conjuguent indéfiniment au présent ou au passé et se croisent souvent pour le meilleur ou pour le pire.

" « Chez Nous » a été inaugurée le 12 mars à 18 heures. Le soir même, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la fermeture des écoles et la mise en place de mesures exceptionnelles pour contraster la propagation du Covid-19 en France. Le 17 mars, tout le pays a été placé en confinement strict.
Lorsque « Chez Nous » a été créée, l’idée était que tout le monde puisse la voir, mais, en ce moment, il n'y a presque plus de public et « Chez Nous » est une figure solitaire au milieu d'une place vide, vivant dans un silence sépulcral.
Pourtant, elle continue à vivre dans ce nouveau contexte d’enfermement : certains passants publient des photos de l’installation sur Instagram, d'autres ont vu la sculpture à travers les publications de différents médias et plusieurs personnes m’écrivent pour dire ce que cette maison signifie pour eux." Carmen Mariscal



Le projet est né d’une préoccupation de l’artiste concernant certains ponts parisiens qui se sont vus menacés par le poids des cadenas que les touristes attachaient sur leurs grilles comme preuve d’amour. Carmen Mariscal s’est interrogée sur ces pratiques amoureuses qui consistent à symboliser l’union d’un couple par un cadenas, puis de jeter la clef dans la Seine. L’amour est-il une chaîne ? Doit-il enfermer, marquer l’appartenance, la possession, mais aussi le secret ? Ces clefs jetées dans le fleuve sont autant de mots qui ne peuvent s’exprimer, une relation parfaite vue de l’extérieure, mais qui garde bien ses secrets de l’intérieur...

Carmen Mariscal a déjà travaillé sur les thèmes de la mémoire – en étudiant les histoires individuelles et familiales à travers la mémoire des objets - et du confinement. Ses recherches artistiques se concentrent également sur la condition de la femme, dans ses dimensions de fragilité et d’aliénation. Elle explore les injonctions sociales plus ou moins tacites auxquelles les femmes doivent se plier : un schéma mariage-enfants dans lequel elles sont supposées s’épanouir, ou autrement être invisibilisées par la société.

La sculpture Chez Nous est conçue comme une « maison-prison » de 3 mètres de haut et mesurant au total 35m3 ; elle est la matérialisation symbolique des pièges conjugaux et domestiques. La sculpture est à la fois solide et fragile, obscure et lumineuse. Elle est pour Carmen Mariscal un espace archétypal qui doit inviter le passant à une réflexion sur l’amour et sa permanence à travers les aléas du quotidien.

" Au fil des jours et des semaines, cette « maison prison » a commencé à symboliser pour beaucoup le confinement que nous vivons aujourd’hui en raison des restrictions sanitaires imposées par la pandémie de Covid-19, partout dans le monde.
Cette « maison » est faite de milliers d'histoires individuelles, tout comme il y a des millions d'histoires individuelles qui constituent « l'enfermement ».
En créant « Chez nous », je ne pouvais pas imaginer que la population de la planète entière allait être enfermée chez soi pendant plusieurs semaines et que mon œuvre devienne un symbole de cette situation inédite que nous sommes contraints à vivre. Une fois que les œuvres d'art sont dans l’espace public, elles appartiennent à tout le monde et peuvent être lues différemment, selon un contexte particulier ou un moment historique précis. " Carmen Mariscal



Comment un simple geste insouciant - des touristes voulant laisser une trace de leur passage et de leur attachement à la ville - peut-il porter le poids d’un héritage normé, sexué, et oppressant ?

Les amoureux souhaitent sceller un pacte et rêvent souvent d’une vie commune, de fonder un foyer... L’idée du cadenas qui enferme, sépare, met sous clé leur est vraisemblablement étrangère. Pour le philosophe Gaston Bachelard, la maison possède le pouvoir d’intégrer les pensées, les mémoires et les rêves de l’humanité, elle est un grand berceau. Mais, que se passe-t-il quand le « berceau » n’est plus un espace d’ouverture et de paix ? Que se passe-t-il lorsqu’on perd la notion de foyer en tant qu’espace protégé ?

En lien avec des thématiques environnementales, comme la conservation du patrimoine urbain, mais aussi engagée dans la sensibilisation pour l’émancipation des femmes et la défense des droits humains - notamment des victimes ayant subi des violences familiales - cette œuvre résonne en tout un chacun par les thématiques universelles et actuelles qu’elle aborde.



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